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Sleeping Beauty (The Sleeping Beauty in the Wood)

La Belle au Bois Dormant

Oeuvres / Works :

- La Belle au Bois Dormant / The Sleeping Beauty in the Wood, Charles Perrault, 1697

- La Belle au Bois Dormant / Sleeping Beauty, Walt Disney Studios, 1958

Il était une fois La Belle au Bois Dormant... Un conte réécrit maintes et maintes fois, et dont les nombreuses versions sont très diversifiées. Aujourd'hui ce n'est pas à Giambattista Basile ou aux frères Grimm que nous nous intéressons, mais à la version du très célèbre Charles Perrault.

 

A première vue et sans aucune analyse, le conte de La Belle au Bois Dormant semble simplement vouloir nous montrer l'histoire d'une princesse à qui les nombreuses vertus n'ont pas empêché l'arrivée d'une malédiction par une fée un peu rancunière. Point, à la ligne. C'est cependant loin d'être le cas. En effet, en étudiant plus précisément chaque élément de l'histoire, on se rend compte que cette dernière représente les grandes étapes de la vie d'une femme.

 

Tout d'abord, le fuseau auquel se pique (VOLONTAIREMENT, mais nous y reviendrons par la suite) la jeune princesse n'est qu'une jolie image représentant le sexe, le franchissement d'un interdit. Le sang qui coule par la suite rappelle étrangement le cycle menstruel, passage obligatoire dans la vie d'une femme.

La forêt qui se forme autour du château devient inévitablement l'image des défenses de la vierge. Cet élément infranchissable n'attend que l'arrivée de "l'élu", celui dont le passage est légitime et autorisé. Cette idée est particulièrement accentuée dans le conte, où l'on voit clairement que le Prince n'a aucune difficulté à passer là où tant d'autres n'ont rencontré que ronces et épines : "A peine s'avança-t-il vers le bois, que tous ces grands arbres, ces ronces et ces épines s'écartèrent d'eux-mêmes pour le laisser passer" s'oppose à la suite (et fin) de la phrase "les arbres s'étaient rapprochés dès qu'il avait été passé".

Le sommeil est, lui aussi, un élément que l'on peut aisément déchiffrer. Il représente en fait l'attente entre l'apparition des menstruations (à partir de laquelle elle est apte à procréer), et l'âge de sa mâturité, auquel elle est véritablement prête pour ce genre d'acte.

 

En récapitulant de cette manière les étapes de la vie de la femme, Perrault émet un reproche, comme c'est souvent le cas dans ses contes.

Ici, ce qu'il reproche aux femmes est leur impatience. Leur impatience à se marier, à procréer.  En effet, pour revenir au fuseau, c'est bien la princesse elle-même, victime de sa curiosité, qui s'y pique : c'est elle qui déclenche sa transformation en femme. La punition pour cet acte était prédite : elle doit dormir cent ans. Par ce long sommeil qui ne signifie pas seulement l'atteinte de la mâturité, Perrault apprend à ses lectrices (à cette époque des jeunes filles de la noblesse ou de la très haute bourgeoisie) les valeurs de la patience, ce qu'apporte le mot "attendre" qui est évoqué dans la moralité ("Attendre quelque temps pour avoir un époux"). A l'époque, nombreuses sont les femmes qui ont peur que leur beauté s'altère avec le temps, entraînant le dédain de la part des hommes. C'est pourquoi elles ont tendance à se hâter. D'après Perrault, il faut attendre pour se marier, pour procréer.

(à noter que l'auteur nuance sa pensée dans la moralité du conte. En effet il précise qu'il ne faut pas attendre TROP longtemps - cent ans, par exemple, ça commence à faire beaucoup)

 

Comparons maintenant La Belle au Bois Dormant de Perrault avec celle des Studios Disney. Il n'est pas difficile de remarquer qu'ici, la moralité du conte a été entièrement retirée au profit d'une opposition entre le Bien et le Mal. Prenons le fuseau par exemple. Alors qu'elle le touche volontairement (y avait-il vraiment besoin de le souligner ?) dans le conte, la princesse est, dans l'adaptation, touchée par un maléfice. Il est très souligné à l'image : le visage figé et les yeux écarquillés de la Belle montrent que plus rien n'est de son ressort; elle est absorbée par la vision de la lumière verte, qui la mènera au sommet de la tour. Certes, cela ajoute du merveilleux, mais cela la fait aussi passer pour une simple victime.

Inutile de préciser qu'elle ne dort même pas cent ans, et qu'elle est réveillée par un Prince qu'elle a déjà rencontré auparavant. Ce qu'il est cependant intéressant de soulever, c'est que pour parvenir jusqu'à cette princesse, ce prince a abat un dragon. Le dragon, qui est une métamorphose de la mauvaise fée (affectueusement nommée Maléfique dans l'adaptation), représente à lui-seul le Mal. L'opposition Bien-Mal a bien lieu puisque c'est le prince, accompagné des trois bonnes fées qui mettent fin aux jours du monstre, et que ces quatres personnages représentent le Bien. Malheureusement cet élément retire toute la valeur de la forêt. Cette dernière ne représente plus les défenses de la princesse. Par conséquent l'arrivée du prince au château dépend de son courage et non plus de la volonté de la femme : les rôles sont inversés.

De plus, dans le film d'animation, le personnage de la Belle passe presque à la trappe. Elle est passive. C'est celle pour qui on se bat, mais au final elle passe plus de temps à roupiller qu'à être utile en quoi que ce soit. C'est en partie à cause de la mise en avant de ses trois bonnes fées. En tant que représentantes du Bien, elles passent la majeure partie du film aux côtés du prince à déjouer les plans de Maléfique, du Mal.

Pour finir, l'opposition Bien-Mal est très flagrante à l'image, notamment si l'on compare le château de la princesse, et celui de la mauvaise fée. Il y a un énorme contraste entre la blancheur et la beauté du premier, et la noirceur et les ruines du second.

 

 

En conclusion, le choix des Studios Disney a été de faire entrer La Belle au Bois dormant sur un plan standard : un "méchant" au service du Mal (ici, la mauvaise fée) s'oppose à un ou des "gentils" au service du Bien (ici, le prince et les fées). Le privilège d'une banale adaptation manichéenne a désservi le conte de Perrault : la moralité n'existe plus, aucun message n'est passé aux spectateurs si ce n'est "lui, c'est le méchant. Si tu ne le tues pas, c'est lui qui le fera". Ce qui demeure étrange, c'est que les Studios n'ont pas gardé le passage de la belle-mère ogresse. Peut-être trop violent pour leur jeune public*...

 

*Walt Disney a avoué avoir privilégié l'aspect esthétique du film plutôt que son contenu. Il a même ajouté que c'est la raison pour laquelle les personnages sont plutôt froids. (source : Une vie, une oeuvre sur Walt Disney - France Culture)

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